Emotions voyage plongée Tunisie : Tabarka l'authentique
Au café des Andalous, situé à côté de l’avenue Bourguiba, nous avons pu savourer un authentique thé à la menthe en compagnie de Lassad, un moniteur tunisien. La promenade jusqu’aux aiguilles, pittoresques pics de grès monolithiques sculptés par l’érosion aux formes curieuses, nous a assoiffés. Tabarka, petit port de pêche tunisien, autrefois réputé pour son corail «l’or rouge» somnole maintenant. Seuls quelques locaux disputent une partie de dominos...
Le décor de bois sculpté, enrichi de mosaïques bleues, est tamisé par la fumée qui laisse apercevoir les immenses miroirs vieillis par les années. Authenticité également du Rocher Mérou constitué d’un amas de grosses roches réparties entre 20 et 30 mètres où se trouvent plusieurs gros mérous entourés de nombreuses badèches peu farouches. La visibilité moyenne permet quand même d’apercevoir un banc d’une dizaine de corbs regroupés dans une faille étroite recouverte de parazooanthus jaune orangé. Un poulpe observe la scène et reste méfiant. Les classiques castagnoles, sérans et girelles-paons sont aussi au rendez-vous. Soudainement de nombreuses sérioles venant de nulle part entourent notre palanquée dans une danse frénétique. Sous la coque, se trouve un véritable dédale de grottes et de tunnels sur un fond compris entre 20 et 25 mètres. La forte houle, levée par le vent du nord-ouest, rend la visibilité très réduite à cause du fond sablonneux. Après une légère hésitation, Sélim, le moniteur, pénètre un boyau de deux mètres de diamètre qui s’élargit dans une plus grande salle.
Quelques faibles rayons de lumières éclairent cette galerie qui communique avec d’autres salles plus étroites. Les parois naturelles semblent taillées au burin par quelque divinité lors des temps anciens. Par moments, un crabe, une cigale, un apogon se montrent plus curieux. Cent mètres plus loin, à l’autre extrémité, un superbe mérou nous attend pour nous conduire à une autre grotte plus éclairée où se cache sous le sable une raie pastenague. Cette galerie monochrome, recouverte de posidonies, est rehaussée de fines gorgones blanches ou d’algues violettes. Une serpule, une porcelaine, un nudibranche ou un ver plat agrémentent quelquefois la plongée.
On peut venir à Tabarka pour aussi profiter de la beauté de ses plages, des lacs, des paysages de chênes et de pins, des champs et collines boisées qui rejoignent les baies sauvages par de longues dunes de sable ou d’abruptes caps rocheux.
Il y a 2 000 ans, Rome en a fait son grenier. De ce passé prospère, cette région a conservé de très belles cités antiques. La renommée de Douga et de Bulla Regia l’atteste. Le fort génois, point culminant de l’île de Tabarka, nous rappelle que le pirate Barberousse était ici il y a seulement 400 ans. Pourtant la contemplation a ses droits et ma sensibilité ne s’embarrasse point des scrupules de l’histoire. Il n’est nul besoin d’être plongeur pour recevoir du temps un message de vertige et d’humilité. Certains jours favorables, j’aperçois la fameuse ville de la Galite et son galiton où, paraît-il, les derniers phoques moines de la Méditerranée attendent qu’on les sauve…
Deux choses à Tabarka provoquent cette admiration : la surface de l’eau, le plafond d’aquarelle bleutée au cours de mes immersions et la surface de couleur ocre qui brille au soleil couchant sur les rythmes lointains de musique orientale. Ici la vie se perpétue ainsi, depuis la nuit des temps. Le cortège incessant des courants, la course des poissons, le cycle éternel de la mer et de la terre. La boucle se termine alors que les premiers échos du tonnerre raisonnent à travers Tabarka, quand les premiers orages désaltèrent enfin cette terre assoiffée.
Henri Eskenazi
www.henrieskenazi.com
© Tout droit de reproduction réservé - Texte et photo H. Eskenazi
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