Le Crabe Porcelaine des Anémones
Les anémones, on le sait, sont souvent le refuge de petits malins qui préfèrent regarder défiler la vie marine – et ses fort nombreux prédateurs – dans le confort douillet et sécurisant d’un fourré de tentacules urticants.
Poissons clowns hargneux et crevettes pusillanimes sont les plus connus de ces locataires et font toujours la joie des guides de palanquée...
Poissons clowns hargneux et crevettes pusillanimes sont les plus connus de ces locataires et font toujours la joie des guides de palanquée...
Dans l’entrelacs mouvant et ondulant des tentacules, on tombe pourtant parfois sur un drôle de
crustacé aux pinces aussi impressionnantes que les avant-bras de Popeye. Pourquoi diable l’a-t-on un jour nommé crabe porcelaine ? Porcelaine, passe encore : sa carapace d’aspect lisse, délicatement décorée par un minutieux peintre pointilliste d’un dense nuage de ponctuations brun-rouge pourrait éventuellement rappeler une pièce de céramique ; à moins que sa fragilité ou plus exactement sa capacité à facilement abandonner une patte ou une pince en cas de gros stress soit à l’origine de son surnom. Mais crabe, sûrement pas ! Contrairement à ses cousins brachyoures, les « vrais crabes », notre ami à un abdomen plutôt long, qu’il tient sagement replié sous son céphalothorax et qu’il peut parfois utiliser en guise de godille pour décamper encore plus vite. Avec en plus de cela, une cinquième paire de pattes marcheuses atrophiée et de très longues antennes fixées à l’extérieur des yeux, les scientifiques l’ont rangé sans hésitation chez les anomoures avec ses collègues bernard l’ermite et galathées.
Mais regardons d’encore plus près cette étonnante bestiole. La voilà qui nous fait signe d’approcher. De longs appendices munis chacun de curieux éventails sont ramenés l’un après l’autre vers la bouche. Ces corbeilles filtrantes sont en fait des pièces buccales modifiées constituées de longues soies et qui ratissent mécaniquement le plancton à la recherche de diatomées ou autre micro-gueuleton. Les pinces ne sont donc pas là pour saisir la nourriture comme chez ses « vrais cousins » mais pour l’aider à jouer les matamores lors de joutes territoriales ou de petits conflits de voisinage.
Notre crustacé ne semble pas faire le difficile sur l’espèce d’anémone dans laquelle il compte établir ses pénates : l’anémone géante Stichodactyla spp, l’anémone magnifique Heteractis spp, mais aussi Stoichachtis sp ou encore Entacmaea sp semblent parfaitement convenir à son
standing. En revanche, son comportement vis-à-vis de ses colocataires est un peu moins prévisible. Si on le voit parfois vivre en bonne intelligence avec une famille de poissons clown, il peut aussi ne pas supporter cette promiscuité et décider d’évincer ces gêneurs manu militari. Il lui arrive également de se faire mettre à la porte. On le trouve la plupart du temps en couple, et dans ce cas le plus gros individu est alors le mâle. Mais il en va des porcelaines comme des vieux couples : si les anémones sont nombreuses aux alentours, Monsieur et Madame préfèreront avoir chacun leurs appartements et se rencontrer à l’occasion pour la galéjade. Les 1600 œufs ne seront fertilisés qu’au moment de la ponte et promenés environ 4 semaines sous l’abdomen de la femelle. Puis ils virent au brun et bientôt une larve très spectaculaire, munie de longs appendices avant et arrière rejoint le plancton.
Il s’agit ici non pas d’une symbiose au sens strict du terme puisque l’anémone ne tire aucun bénéfice de cette relation, mais de commensalisme. L’avantage pour le porcelaine est évident. Posté sur les bords de la couronne, il se réfugie à la moindre alerte sous l’anémone, le long de la colonne. Pourquoi cet impudent locataire qui va jusqu’à prendre ses aises dans la bouche, voire l’estomac de son hôte n’est-il pas inquiété par ses redoutables cellules urticantes ? Sans doute utilise t-il la même technique que les poissons clowns qui s’enduisent progressivement et dès le plus jeune âge du mucus de l’anémone. Une opération qui pour le crustacé, est hélas à renouveler après chaque mue…
{mosimage cw=110 ix=center popup=1} Photo C. Migeon |
Fiche d’identité • Neopetrolisthes maculatus
• Porcelaine des anémones • Embranchement Arthropodes • Classe Crustacés • Ordre Décapodes • Famille Porcellanidés • Largeur = 2-3 cm • Répartition: Mer Rouge et Indo-Pacifique • Note: On peut le confondre avec N.Ohshimai aux ponctuations encore plus denses et qui vit dans le centre de L’Indo-Pacifique et sur les côtes australiennes. |
Notre crustacé ne semble pas faire le difficile sur l’espèce d’anémone dans laquelle il compte établir ses pénates : l’anémone géante Stichodactyla spp, l’anémone magnifique Heteractis spp, mais aussi Stoichachtis sp ou encore Entacmaea sp semblent parfaitement convenir à son
{mosimage cw=110 ix=center popup=1} Photo C. Migeon |
Il s’agit ici non pas d’une symbiose au sens strict du terme puisque l’anémone ne tire aucun bénéfice de cette relation, mais de commensalisme. L’avantage pour le porcelaine est évident. Posté sur les bords de la couronne, il se réfugie à la moindre alerte sous l’anémone, le long de la colonne. Pourquoi cet impudent locataire qui va jusqu’à prendre ses aises dans la bouche, voire l’estomac de son hôte n’est-il pas inquiété par ses redoutables cellules urticantes ? Sans doute utilise t-il la même technique que les poissons clowns qui s’enduisent progressivement et dès le plus jeune âge du mucus de l’anémone. Une opération qui pour le crustacé, est hélas à renouveler après chaque mue…
Christophe Migeon