Une vie de cachalot
"Cachalot" vient du portugais cachola, la caboche. On ne saurait mieux trouver pour désigner ce léviathan affublé de la plus grande tête du monde animal (jusqu’à 35% de la longueur du corps !). Autrement plus pertinent que le "sperm whale" des Anglais qui pensaient, pauvres innocents, que les grandes quantités de cire gélatineuse enfermées dans la tête était de la semence. Le spermaceti, réservoir conique de cette intrigante substance, joue un rôle encore bien ambigu : lentille acoustique permettant d’amplifier des ondes sonores (les clicks), mais sans doute aussi outil de stabilisation (chauffé ou refroidi par l’eau de mer, le spermaceti voit sa densité se modifier).
Fiche d'identité
Physeter macrocephalus Grand Cachalot Embranchement Vertébrés Classe Mammifères Ordre Cétacés Sous ordre Odontocètes Longueur: - ♂ 18-20m max - ♀ 10-12m max Poids: 40/60 tonnes Répartition: la plupart des mers du globe Impossible de le confondre avec ses deux autres collègues cachalots, le nain (Kogia simus) et le pygmée (Kogia breviceps) 2 ou 3 m de long max et dont on connaît fort peu de choses. |
La vie de cachalot n’est pas toute rose. Pas facile de concilier la respiration en surface et la nécessité d’aller s’emplir la panse de calmars vers 500m, d’autant que pour être rassasié, il faut quand même en ingurgiter pour 3% de son poids. Les trois quarts du temps sont consacrés à ces interminables allers-retours. Quelle barbe de sonder dans des ténèbres glacées et de chercher à coup d’écholocation un gros calmar visqueux !
Il s’agit ensuite de l’assommer d’un bon click afin de pouvoir le saisir sans trop de problèmes avec cette petite mâchoire ridicule. Et puis ce diable de céphalopode qui se débat avec ses hideuses tentacules et vous laisse de disgracieuses cicatrices sur le museau ! Impossible encore de digérer son bec ou de s’en débarrasser par les intestins qui risqueraient de se déchirer. Ne reste plus qu’à envelopper ces indésirables résidus d’ambre gris et à les vomir de temps en temps. Quelle histoire !
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Et pour les mâles, l’existence est encore moins folichonne. Certes, la jeunesse se déroule sans heurts dans le cocon moelleux d’une petite unité de 10 ou 15 femelles et juvéniles plus ou moins apparentés. Câliné par maman, confié aux bons soins d’une tante ou d’une marraine quand elle part chasser, le marmot écoule des jours paisibles. Hélas, vers l’âge de 6 ans environ, alors qu’il fait 7-8m, l’adolescent insouciant est fermement invité à quitter le giron maternel pour aller rejoindre en eaux froides une bande de jeunes infortunés célibataires comme lui.
Plus tard, c’est la solitude, l’errance parfois aux limites de la banquise, avec pour seuls compagnons les calmars que l’on dévore… Ce n’est que bien plus tard, vers 25 ans, qu’il redescendra, pour un temps seulement, dans les mers tempérées et tachera d’exercer ses charmes auprès d’un groupe de femelles. Il y a-t-il des volontaires pour se réincarner en cachalot ?
Christophe Migeon
Recordman de plongée chez les cétacés
Des grands mâles, suivis au sonar ont été tracés jusqu’à 3000m pour des apnées qui duraient parfois plus de 2h. Mais généralement, les plongées n’excèdent guère 45 mn avec des intervalles de 5 à 15 mn. De façon empirique, les baleiniers avaient formulé la règle suivante : pour chaque pied (30cm), le cachalot respire 1 fois et sonde 1 mn. |