Emotions voyage plongée Antilles : Saint Barthélemy

Des carettes curieuses, à la carapace si douce qu’une simple caresse est de mise, juste autour du pain de sucre à quelques encablures de Gustavia, la sous-préfecture. Le corps en apesanteur, on se sent comme porté, massé par le très léger courant. Les yeux grands ouverts, on devient réceptif aux imperceptibles mouvements des barracudas en attente d’une proie. Çà et là, un diodon, un poisson coffre ou un couple de balistes viennent à notre rencontre. Lequel d’entre nous est le plus étonné ? Un poisson trompette bâille sans vergogne. Sur un fond de trente mètres, une belle pastenague parcourt le sable avec légèreté. Qui parlera en son nom ? Quand le ciel est dégagé, le l

J’apprends ainsi à voir, à sentir, à m’imprégner de tout ce qui m’entoure, à m’imaginer dans cette nature. L’esprit demeure alors paisible comme une eau tranquille. Une légère brise se lève et me caresse le visage. Chaque plage mérite respect et garde en elle ses secrets. Certaines plages, comme l’anse du Grand Colombier, ne livre pas facilement leur accès.
Au sud, l’anse du Gouverneur est déserte tandis qu’à la grande Saline, une couleuvre engloutit une grenouille. Plus au nord, un varan lézarde à l’anse Petit Cul de Sac et des frégates survolent l’anse de Marigot. Dans les moindres recoins de l’île, les cases peintes et décorées avec goût se fondent dans le paysage. Ces maisons sont en pierre ou en « essentes », des tuiles en bois assemblées pour former les murs. A côté de ce traditionalisme qui s’éteint peu à peu, se développe un quotidien riche en couleurs peuplé de créatures de rêve, telles de nouvelle sirènes qui m’accompagnent sous l’eau… Là, entre les gorgones décoiffées par les derniers cyclones, s’ébattent une multitude d’animaux nonchalants comme ce banc de tarpons près des Gros Ilets. Sur les trois roches des Petits Saints de minuscules crevettes bleues, peu faciles à photographier. Le long de longues traînées de sable, à dix mètres de la surface, de spécimens « body buildés » de barracudas attendent avec leur immobilité habituelle. Un imperceptible mouvement de queue, précédé quelques claquements de mâchoire, nous empêche de les toucher tellement ils sont proches. Ils observent Sylvette, médusée. Une méduse scintillante passe au milieu de la scène.
Bien installé sur le pont du bateau, les jambes allongées, je me laisse porter, rêveur mais attentif aux moindres sons, aux rayons magiques et furtifs du soleil sur la surface. Tel sous l’eau, le paysage terrestre est varié, pluriel, voire déroutant. C’est ainsi qu’on rencontre, à St Barth, les plus belles lignes droites de sable blond en alternance avec des falaises escarpées. Les alizés tenaces y décoiffent les oiseaux de mer et les gros lézards verts.
Parfois, de modestes murets de galets en corail rappellent l’empreinte de l’homme, évoquant le souvenir des siècles bien rudes vécus par ces habitants. À l’époque, certain durent placer au fond de leurs chaussures des morceaux de tôle bien épaisse, pour se protéger des cactus.
La balise jaune des Gros Ilets recèle bien des trésors : des bancs de tarpons entrelacés par des barracudas, un poisson ange, une, deux, trois tortues qui reviennent, paraît-il, grâce à l’interdiction de leur pêche. Une bonne chose que la convention de Washington ! Comme au ralenti, tout se meut comme dans un songe.
Au large de l’anse Toiny, au sud-est de St Barth, il n’est pas prévu que Bertrand nous montre des baleines à bosses sur cette dernière et superbe plongées entre arches et tunnel. Pourtant elles sont là, à moins de cinquante mètres de nous ! Deux animaux de dix mètres qui jaillissent de l’eau et des tonnes de vie qui, en tournoyant, écrasent la surface dans un bruit fracassant.
Une immersion douce en apnée les rend encore plus proches et c’est alors qu’en entendant leur chant, je me souviens de Moby Dick dont les yeux étaient tellement écartés, qu’elle avait deux visions des choses à la fois.
Henri Eskenazi
www.henrieskenazi.com
© Tout droit de reproduction réservé - Texte et photo H. Eskenazi
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