Emotions voyage plongée Polynésie : Fakarava l’authentique

La passe de Garuae est la plus grande de la Polynésie : elle mesure plus d’un kilomètre. Là, plantés à 35 mètres de profondeur, nous admirons les requins gris qui tournent autour de nos bulles, dans le bleu plus profond, celui du Pacifique. Au moment même où notre guide nous invite à nous laisser porter par le fort courant rentrant, un requin marteau nous dépasse sans même nous regarder : c’est presque vexant. Comme sur un tapis roulant, le paysage défile sous nos palmes à vitesse correcte mais suffisante pour prendre quelques clichés des superbes patates de corail. L’architecture corallienne est ici, à Fakarava ou « Havaiki Nui », exceptionnellement conservée.

Ce tombant que nous longeons, descend jusqu’à 700 mètres puis, après un plateau, atteint plus de 1 000 mètres juste à l’extérieur de la passe : c’est vertigineux quand la luminosité est bonne et c’est pour cela que l’on ne plonge jamais par courant sortant… A chaque mètre, nous avons l’impression d’être les premiers et un gros barracuda solitaire observe mon amie Carole qui ne le quitte pas des yeux… Nous arrivons enfin dans une sorte de grande cuvette à 20 mètres de fond, où le courant s’affaiblit. Ici, des bancs de cochers noirs attendent, immobiles : 10 photos. Un immense banc de perches pagaies (Lutjanus gibbus) se sépare en deux pour se rejoindre juste derrière nous : encore 10 diapos. Dans une anfractuosité formant un petit surplomb s’abritent des dizaines de «gros yeux» et voilà encore 10 images de prise. C’est ainsi que l’on grille presque une pellicule en moins de trente minutes. Il va falloir que je sois plus économe mais ici, dans ce lagon du bout du monde, la faune est tellement abondante qu’il faudrait que Fuji ou Kodak se penchent un peu sur notre problème à nous les photographes : 36 poses, c’est vraiment trop peu !

C’est tant pis pour tous ces napoléons que nous croisons dont l’un, aussi grand que Carole, vient me narguer devant l’objectif. Un gros baliste titan tente de s’interposer entre nous. Plusieurs mérous assistent à la scène et moi, je râlerais presque si je n’avais pas déjà photographié ces animaux à Ohutu. En effet, sur ce site moins profond où le corail est véritablement extraordinaire dans 15 m d’eau, il y a des myriades de poissons colorés propres aux mers du Sud. Avec un courant quasi nul, cela nous change des conditions déjà rencontrées le jour précédent ou la plongée fut assez sportive. Toutefois, à la sortie de cette plongée, le mascaret assez fort nous donne envie de redescendre tellement le contraste entre la quiétude du fond et la violence des éléments en surface est grand. Mais toute bonne chose a une fin et il faut savoir se satisfaire de ce qui est vécu. Bien sûr nous n’avons pas vu de raies mantas cette fois ci. Et alors ? L’Océan n’est pas un zoo : il est presque inutile de le rappeler. Les conversations vont bon train pendant la demi-heure de navigation en pneumatique qui nous sépare du centre de plongée…
On parle de ces grands thons qui passent dans le bleu, insouciants de nos bulles. Certains commentent le couple de carangues échevelées si particulières et si gracieuses avec leurs nageoires démesurées qui flottent dans le courant. Le soleil se reflète sur leur corps argenté. D’autres préfèrent les pirouettes des dauphins en surface peu après avoir passé le motu Togamaitu-i-uta sur notre gauche.

Autour de nous, Fakarava s’étire en une longue barrière de corail, écrasée par un ciel bleu presque aveuglant pour former un lagon aux tonalités très picturales. On la croit recouverte d’un drap pur, semblable à un lit encore vierge. Cet atoll fait partie des endroits « incertains » où ne se révèle presque aucune présence humaine. Ici, en plein milieu de la journée, à mi distance entre la lumière du matin et celle du soir, les ombres n’existent plus, le ciel et la mer se mélangent pour prendre une place prépondérante dans le décor. Dans le lagon, la luminosité y est toute en nuances. Les couleurs sont chaudes éclatantes. Au-dessus, les nuages sont portés par une brise légère qui plie les feuilles de cocotiers et fait chanter les filaos… Imprégnée par la douceur de vivre et la nonchalance propre aux insulaires, nimbée par les rayons du soleil des tropiques, Fakarava se révèle différente chaque jour. Elle forme un tableau aux teintes crues et épurées, entre douceur et éblouissement et se livre dans toute la splendeur de son paysage. Les plages, baignées par les eaux tièdes du Pacifique, flattent nos yeux et alimentent notre esprit pour de longues années encore.

Pour ces raisons, Fakarava est un lieu incontournable de la plongée en Polynésie. Nous vivons, ici, une expérience unique et impressionnante au contact d’une faune dense qui se laisse observer dans les moindres détails, dans un site terrestre hors du commun, proche du bout du monde.

C’est ici, le dégradé turquoise du lagon, les violets et les mauves des platiers affleurant la surface irisée d’une eau jade translucide et la complexité d’une architecture corallienne non souillée.
C’est ici aussi que se taquinent les bleus du ciel et de la mer pour exorciser la fin d’un songe.

C’est ici encore que nous oublions le virtuel qui ne réussit qu’à faire dégringoler la bourse, afin de pouvoir vivre plus tard nos chimères, en réel, sur le grand écran bleuté de nos nuits blanches.

La vie est ainsi faite qu’il n’est point besoin d’aller côtoyer les astres pour approcher le paradis. Sur notre belle terre ronde, il existe encore des lieux hors du commun où il fait bon rêver.